Rencontre avec Alexandre de Broca
peintre
et Stéphane Lavoué
photographe

« L’un, Stéphane Lavoué, photographe basé en Bretagne, trombine la Troupe depuis dix ans, faisant des escales régulières à la Salle Richelieu entre son travail opiniâtre et génial de portraitiste du monde du travail et celui des populations des bouts de territoire. [...]
L’autre, l’autre de ces deux-là, est peintre, Alexandre de Broca. Il est un jour venu me demander s’il pouvait peindre les lieux, les coulisses, les couloirs, les foyers, les dessous, les angles perdus du théâtre. [...]
Ces deux-là se sont trouvés. Stéphane faisant à ma demande des images de l’ensemble des métiers du théâtre, Alexandre poursuivant sa collection picturale. Forcément l’appareil de l’un a rencontré le chevalet de l’autre. Leur discrétion de caractère, leur humilité – l’humour égal pour ne pas avoir à la justifier – , leurs visages doux et concentrés ne pouvaient que s’entendre.
Si peinture et photographie n’ont pas de mélange évident, ici elles semblent naturellement s’accorder. Ces Regard(s) croisé(s) sont le résultat de deux talents et d’une amitié née en nos murs. » ERIC RUF


EXPOSITION
Regard(s) croisé(s)
Alexandre de Broca, peintre
Stéphane Lavoué, photographe
18 SEPT 2024 > 16 JANV 2025
Escalier d’honneur de la Salle Richelieu
Accès réservé au public muni de billets pour les représentations

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Alexandre de Broca par Stéphane Lavoué
Stéphane Lavoué par Alexandre de Broca


  • Oscar Héliani. Quelle a été votre réaction lorsque Éric Ruf vous a proposé une exposition commune dans l’escalier d’honneur de la Salle Richelieu ?

Alexandre de Broca. J’étais très content bien entendu. Au premier abord, j’avoue avoir eu une légère réticence liée au risque de mélanger photographie et peinture. Sur le plan technique, elles ne s’appréhendent pas de la même manière, la première possède un rendu que je qualifierais de réaliste, la seconde relève plutôt de l’interprétation. J’étais loin d’imaginer que les deux disciplines pouvaient se rejoindre voire se compléter ainsi. Même si Stéphane s’exprime à travers la photographie, il interprète énormément les sujets qui se retrouvent devant l’objectif ; j’ai donc réalisé que cette exposition était une sorte de défi que j’ai voulu relever.

Stéphane Lavoué. Je comprends parfaitement la volonté de nous réunir. D’un point de vue formel, nous avons travaillé dans une unité de temps et de lieu sur plusieurs sujets communs et en y posant un regard documentaire. Après avoir débuté ma carrière dans le reportage – où il s’agit de témoigner et de raconter – je prends un peu mes distances aujourd’hui en essayant de construire des images qui rejoignent la fiction. Ce qui m’intéresse, c’est d’observer le modèle dans un décor et de comprendre l’énergie qui s’en dégage. Il me revient ensuite de savoir l’interpréter. Je trouve que cela participe de l’envie que tout le monde manifeste pour faire exister le cliché. Si j’interviens énormément en mettant en scène des personnages ou des décors pour donner à voir ce que nous n’avons pas sous les yeux, je tiens à préciser qu’aucun élément n’est reconstitué ou ajouté par de la retouche.

Alexandre de Broca. Stéphane construit le cadre, ajuste la lumière et place les personnes dans le décor. Tout cela nécessite du courage pour essayer de trouver avec le modèle la meilleure position en fonction de plusieurs paramètres. Moi, c’est tout le contraire. Je ne modifie aucun élément que je vois devant moi, je peux même choisir de m’en passer, quitte à le remettre plus tard si le besoin se fait sentir.

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  • Oscar Héliani. Quel est votre rapport au temps ?

Stéphane Lavoué. L’appareil photo peut s’apparenter à un métronome. Je bats la mesure à chaque fois que mon doigt appuie sur le bouton. J’ai l’impression que le rythme des déclenchements finit par hypnotiser le modèle qui ignore totalement à quel instant la prise de vue a lieu. Il va s’abandonner petit à petit et je vais obtenir l’image que j’avais imaginée. Même si je dirige beaucoup, je ne donne jamais d’intention d’expression ou d’émotion, je préfère contraindre le corps. J’imagine une position du corps dans l’espace et en fonction de la lumière telle que je l’ai composée. C’est à partir de là qu’une expression va apparaître, à moi de juger si elle me convient ou pas.

Alexandre de Broca. Pour un peintre paysagiste comme moi, le rapport au temps est complètement associé à la lumière. Or c’est la première fois que je peins des personnages et dans un univers clos donc l’exercice est différent. La lumière est fugitive, elle impose un temps de travail assez court d’où la nécessité de peindre vite. Je peux attendre très longtemps dans un endroit parce que je sens qu’il va s’y passer quelque chose. Ensuite, il faut être prêt à saisir ce moment furtif pour le retranscrire sur la toile. Lorsque je suis dans la forêt, il m’arrive d’apercevoir un cerf traverser le chemin que je suis en train de peindre. Il ne tient qu’à moi de faire figurer l’animal sur la toile. Parmi les toiles sélectionnées pour l’exposition, il y en a une représentant un comédien qui quitte la coulisse pour avancer sur scène. Cette action n’a duré que quelques secondes. J’avais préalablement peint la porte avec de la lumière autour et j’étais convaincu qu’à un moment quelque chose allait se passer.

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  • Oscar Héliani. Comment avez-vous conçu l’accrochage de Regard(s) croisé(s) dans l’escalier d’honneur ?

Stéphane Lavoué. Il nous fallait tenir compte de quelques contraintes. D’abord, l’escalier d’honneur ne ressemble pas à une galerie muséale et impose par son architecture et sa monumentalité un accrochage adapté. Ensuite, il fallait trouver le meilleur moyen de faire dialoguer nos deux univers qui, au départ, ne nous semblaient pas vraiment faits pour coexister. En photographie, on peut faire développer des petits formats ou de très grands formats tandis qu’en peinture, l’œuvre est originale, sa taille est immuable et n’a pas été pensée au départ dans l’optique d’une telle exposition. L’idée que nous avons eue est de recréer des cimaises photographiques : des panneaux sur lesquels on vient encoller du papier peint photographique réalisé à partir d’agrandissements de mes propres photos. Ils servent de supports pour accrocher les tableaux d’Alexandre. La scénographie aux couleurs sombres et chaudes reflète davantage l’ambiance des coulisses, autrement dit le cœur de la machine ou la cale du bateau plutôt que les dorures de la salle de spectacle.

Alexandre de Broca. . Pour amorcer le dialogue, il fallait à tout prix éviter d’exposer les tableaux d’un côté de l’escalier et les photos de l’autre. La scénographie pour laquelle nous avons opté permet de regarder comme par une fenêtre sur les coulisses de la Comédie-Française

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  • Oscar Héliani. Comment avez-vous sélectionné les œuvres qui composent cette exposition ?

Stéphane Lavoué. J’ai réalisé à deux reprises les portraits de l’ensemble de la Troupe. Une relation de confiance s’est installée avec les comédiennes et les comédiens, mais j’avais envie de m’essayer à autre chose. Nous avons décidé d’un commun accord de ne pas mettre en avant cette fois-ci les membres de la Troupe.

Alexandre de Broca. Depuis octobre 2023, j’ai peint une centaine de tableaux à la Comédie-Française dont 50 seront exposés. Éric Ruf avait à cœur de mettre à l’honneur, dans cet escalier, des personnes qui participent au fonctionnement de la Maison et de rendre hommage à tous les corps de métiers qui font sa richesse et sa spécificité.

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  • Oscar Héliani. Quelle a été la réaction des personnes de la Maison lorsque vous les avez approchées ?

Alexandre de Broca. . Je suis quelqu’un d’introverti et il m’est impossible de solliciter les personnes pour un portrait. J’ai donc commencé par peindre la moquette puis un buste, des natures mortes en quelque sorte. Au fur et à mesure ma silhouette est devenue familière, je me suis donc rendu dans les ateliers où j’ai découvert des personnes extrêmement bienveillantes. Certaines ont l’habitude des reportages consacrés aux ateliers, mais il est assez rare de voir un peintre passer du temps avec elles. Très vite, je suis arrivé à me faire accepter, et même à me faire oublier, et ce que je retiens surtout c’est leur fierté de travailler dans cette maison et la joie qu’elles ont à parler de leur métier.

Stéphane Lavoué. Il y a eu parfois une certaine méfiance mais ce n’est pas propre à la Comédie-Française. Lorsqu’on arrive avec un appareil photo dans un atelier, il faut un peu de temps pour se faire accepter. À l’opposé d’Alexandre, je ne cherche pas à me faire oublier. Il m’arrive même de me mettre au centre pour être vraiment visible. Il me faut d’abord trouver une idée qui m’est souvent dictée par l’environnement dans lequel je me trouve et les personnes qui l’occupent. Je la partage ensuite avec elles et on essaie de la construire ensemble. Pour la photo avec Charline qui travaille à la lingerie au 7e étage, j’ai passé toute une matinée dans son atelier où elle m’a expliqué son métier. L’espace aux murs blancs possédait plusieurs fenêtres qui laissaient passer beaucoup de lumière et cela ne me convenait pas. J’ai eu l’idée d’aller vers l’obscurité et je lui ai demandé d’allumer les deux néons circulaires qui se trouvaient sur l’établi. Soudain le décor pour la photo était prêt et Charline m’avait accompagné dans toutes les étapes de cette recherche. Si la photo n’est pas représentative de son univers de travail, en revanche elle raconte son métier. J’en profite pour remercier chaque personne qui m’a fait confiance et a donné de son temps pour créer chaque image. Cela peut être long.

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Entretien réalisé par Oscar Héliani – Juillet 2024


Article publié le 03 octobre 2024
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